Question parlementaire Culture sur les montants perçus lors des diffusions artistiques – 08/12/2020
Question orale du Groupe MR déposée par Monsieur Charles GARDIER, Député, à Madame Bénédicte LINARD, Ministre de la Culture relative aux montants perçus par les artistes pour la diffusion de leurs titres
Madame la Ministre,
Depuis le début de la pandémie de Covid-19, la question de la rémunération des artistes nous occupe très régulièrement. Ils doivent chercher après de nouvelles sources de financement pour pouvoir vivre et compenser la privation de revenus en raison de leur impossibilité d’exercer leur profession sur scène. Nous l’avons déjà abordé à de maintes reprises, des quotas de diffusion plus volontaristes des artistes de la Fédération Wallonie-Bruxelles permettraient d’augmenter leur diffusion sur les ondes et par là-même, augmenter un tant soit peu leurs rentrées financières grâce aux droits d’auteur.
Une autre pratique a quant à elle le vent en poupe depuis mars dernier : les streaming et les lives sur les réseaux sociaux, de façon ponctuelle ou récurrente, du plus grand festival de musique électronique à la chanteuse au piano. A cet égard, la presse s’est faite l’écho des différentes pratiques de rémunération des prestations d’artiste en ligne. En avril dernier, Facebook a décidé de rendre payant l’accès à certains “Facebook live”, soit une manière pour les musiciens de se voir octroyer des revenus. La Sacem, l’équivalent français de la Sabam, lui a rapidement emboîté le pas, tandis que la Sabam elle-même avait déjà initié ce type de pratique avant la pandémie de Covid-19.
Madame la Ministre, mes questions à ce sujet sont les suivantes :
- Comment et par qui les montants perçus par les artistes sont-ils déterminés lorsqu’un de leurs morceaux est diffusé sur les principales plateformes de streaming ?
- Puis-je vous poser la même question concernant les réseaux sociaux, lorsque ceux-ci rendent l’accès payant au visionnage de la performance artistique ?
- On observera évidemment une augmentation de cette pratique depuis mars dernier. Disposez-vous de statistiques, consolidées ou non, quant à la réalité statistique des revenus touchés par les artistes suite à leurs prestations en ligne depuis le début de la pandémie de Covid-19 ?
Je vous remercie,
Charles GARDIER
Réponse de la Ministre
Mme Bénédicte Linard, vice-présidente du gouvernement et ministre de l’Enfance, de la Santé, de la Culture, des Médias et des Droits des femmes. – Dans mon travail quotidien pour défendre les artistes, je m’intéresse grandement à la question des droits d’auteur. Mon cabinet est en contact régulier avec les sociétés de gestion des droits d’auteur, qui constituent un moteur essentiel pour une juste rémunération du travail artistique. Actuellement, une perception des droits d’auteur n’est possible qu’en cas de streaming payant ou de valorisation par les plateformes grâce à du contenu publicitaire. Cependant, en cette période de crise, la Sabam autorise la rémunération pour des livestreams gratuits, qu’elle finance au moyen d’un fonds social de 18 millions d’euros. Ce fonds social a été créé pour répondre à la baisse drastique des revenus des artistes à la suite de l’annulation de milliers de concerts dans le pays. Pour votre parfaite information, le calcul se fait en fonction du nombre de spectateurs et de la durée de la prestation en direct. La crise sanitaire a entraîné une chute de près de 25,7 millions d’euros des droits d’auteur en 2020, uniquement pour la Sabam. Un retour à la normale n’est attendu que pour 2023. Cette chute s’explique par l’annulation des spectacles, ainsi que par la suspension des contrats de redevance des magasins et des établissements de l’horeca fermés en raison des mesures sanitaires. Dans ce contexte, le streaming semble être un moyen pour les artistes de compenser une partie de leurs immenses pertes. Pourtant, les grandes sociétés de ce secteur rémunèrent très peu les auteurs.
À titre d’exemple, un morceau doit être écouté environ 280 fois sur Spotify pour générer 1 euro de droits d’auteur. Sachant que l’artiste partage généralement la moitié de ses droits avec son éditeur, on constate rapidement que le modèle économique proposé par les multinationales du streaming ne constitue actuellement pas une source de revenus viable pour une très grande majorité des artistes de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Je précise enfin que la gestion et la perception des droits d’auteur sont des compétences fédérales dépendant du ministre de l’Économie et de l’Emploi, Pierre-Yves Dermagne. Les sociétés de gestion des droits d’auteur telles que la Sabam ou la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) sont placées sous sa tutelle. Je suis en contact régulier avec M. Dermagne pour soutenir les artistes, que ce soit au sujet du statut d’artiste, des relations des artistes avec l’Office national de l’emploi (ONEM) ou de la prolongation des mesures permettant actuellement de cumuler allocations de chômage et droits d’auteur.
Réplique
M. Charles Gardier (MR). – Je vous remercie, Madame la Ministre, pour vos réponses chiffrées et précises. Elles démontrent votre intérêt, bien légitime, à l’égard de cette problématique. La manière dont les grandes sociétés spécialisées dans le streaming traitent et rémunèrent les artistes est largement insatisfaisante. Ce n’est pas nouveau, mais les circonstances actuelles soulignent encore davantage cette anormalité. Le développement significatif du streaming et l’augmentation du nombre de prestations artistiques sur les plateformes de téléchargement ne suffisent pas à compenser les pertes des artistes. L’État fédéral et la Fédération Wallonie-Bruxelles doivent mener ce combat ensemble afin de soutenir adéquatement les artistes. Les mesures à prendre sont nombreuses, et vous vous y affairez avec votre homologue du gouvernement fédéral. Je vous en remercie.