Question parlementaire Culture sur le statut d’artiste – 12 11 2020

Par Charles Gardier

Question orale du Groupe MR déposée par Monsieur Charles GARDIER, Député, à Madame Bénédicte LINARD, Ministre de la Culture relative à “la mise en place du statut d’artiste”

Madame la Ministre,

Le rapport de formation présenté au Roi par les deux coformateurs de la coalition Vivaldi le 30 septembre dernier a couché sur papier la réforme du statut d’artiste en ces termes : “le Gouvernement examinera en concertation avec le secteur et les partenaires sociaux comment poursuivre la réforme du statut social des artistes. Le Gouvernement formulera des propositions précises, objectives et justes pour les artistes actuels et en devenir, qui valorisent l’ensemble des étapes du travail de création, de la répétition à la représentation, publication et vente.”

Bien qu’il s’agisse d’une compétence de l’Autorité fédérale, la mise en place d’un statut d’artistes aura naturellement des répercussions sur les compétences de la Fédération Wallonie-Bruxelles, en ce qu’il permettra aux acteurs du secteur culturel de vivre décemment.

Le premier rapport du Groupe de réflexion “Un futur pour la culture” va par ailleurs en ce sens. Il s’agit même de la première priorité mentionnée dans le premier Axe, intitulé “soutien à la création”. A cet égard, ledit rapport mentionne que la Fédération Wallonie-Bruxelles doit, “de manière prioritaire, activer tous les leviers possibles pour que, au plan fédéral, des mesures fortes soient prises pour (re)donner de la valeur au travail des artistes. Il s’agit d’un élément tout à fait prioritaire pour soutenir la création. Il doit s’inscrire dans un discours politique plus large qui valorise la place de l’artiste dans la société. Cette priorité doit également être élargie à tout intermittent, tout créateur et toute créatrice contribuant au travail artistique.”

Je fais mienne la préoccupation des membres dudit Groupe en insistant sur l’urgence toujours plus grande d’aider les artistes en la période difficile que nous connaissons eu égard à la deuxième vague de la pandémie de Covid-19. Madame la Ministre, mes questions à ce sujet sont dès lors les suivantes :

  • Avez-vous d’ores et déjà eu contact avec vos homologues des Gouvernement fédéral, flamand et germanophone concernant ce dossier ? Si oui, qu’en est-il ressorti ?
  • Quelles formes prendra la concertation sur ce dossier ? Passera-t-elle uniquement par la CIM Culture ou également par d’autres biais ?
  • Etes-vous en mesure de nous indiquer selon quel calendrier le Gouvernement fédéral envisage de travailler ?
  • Quels points d’attention défendrez-vous dans ce dossier majeur ?

Je vous remercie.

Réponse de la Ministre

Mme Bénédicte Linard, vice-présidente du gouvernement et ministre de l’Enfance, de la Santé, de la Culture, des Médias et des Droits des femmes. – Le 14 juillet dernier, la CIM Culture a décidé de créer un groupe de travail technique «Artistes». Les gouvernements flamand, germanophone et fédéral y participent à nos côtés. Cette CIM me semble être un lieu de concertation approprié. Une réforme structurelle du statut de l’artiste est à l’ordre du jour de ce groupe de travail technique. Mon cabinet a validé la composition, le mandat et le calendrier de ce groupe de travail proposé par le cabinet du ministre flamand de la Culture, Jan Jambon, qui préside la CIM Culture. Jan Jambon a notamment proposé que le groupe de travail remette son rapport à la CIM en décembre 2020. Cependant, ce groupe de travail n’a toujours pas été réuni. Mon cabinet a interpellé le cabinet Jambon pour attirer son attention sur les délais prévus, mais n’a pas obtenu de réponse. La CIM étant présidée en alternance annuelle par les ministres de la Culture des entités fédérées, je suis résolue à faire avancer davantage les dossiers dès que j’en aurai la possibilité, soit dès 2021, à l’occasion de ma présidence. Par ailleurs, nous avons été heureux d’apprendre que le nouveau gouvernement fédéral, et particulièrement le ministre fédéral de l’Emploi et du Travail, Pierre-Yves Dermagne, s’engageait à avancer sur cette réforme. L’accès aux allocations de chômage temporaire pour les travailleurs intermittents du secteur artistique, instauré à partir du 1er avril dans le cadre de la première vague de confinement, s’achèvera le 31 décembre 2020. Le gouvernement fédéral doit donc prévoir des mesures pour la période postérieure à cette date, à la lumière des nouvelles mesures sanitaires. Je ne peux cependant pas vous répondre sur les intentions précises du gouvernement fédéral ni sur son calendrier. Cependant, dans le cadre de cette réforme tant attendue du statut des artistes, je défendrai les points d’attention suivants. Premièrement, la création d’un véritable statut doit rester dans le giron du ministre fédéral de l’Emploi et ce dernier devra s’appuyer sur la commission «Artistes» et sur une administration compétente. Deuxièmement, le rôle des Communautés devrait être renforcé, impliquant une concertation continue entre les niveaux de pouvoir. Ce volet est à l’examen. Troisièmement, la définition de travailleur du secteur artistique serait axée sur l’activité de création, incluant son enseignement, ainsi que l’animation socioculturelle autour de la création. On y inclut donc bien les techniciens, mais on exclut les fonctions de production et diffusion artistique afin de ne pas déstructurer le système. La possibilité d’être artiste intervient pendant le temps qu’on le décide. À l’instar de tous les autres métiers, loin d’un statut à vie, il s’agit d’un droit à l’intermittence créative et culturelle. Cinquièmement et dernièrement, la réforme doit faciliter l’ouverture des droits au statut pour aider les jeunes travailleurs du secteur. Les périodes éligibles doivent aussi être suffisamment longues pour permettre le cumul d’activités afin de répondre aux besoins rencontrés par ces jeunes et de correspondre aux réalités vécues par ces jeunes. Ces points d’attention et leur articulation avec le niveau de pouvoir fédéral sont actuellement tous à l’examen au sein de mon cabinet. Enfin, bien que je n’aie pas encore pu prendre connaissance dans le détail de ce document stratégique, le guide de l’UNESCO intitulé «La culture en crise. Guide des politiques pour un secteur créatif résilient» me semble d’une extrême pertinence. La diversité des formes sous lesquelles la créativité s’exprime et l’augmentation de la numérisation des biens culturels font l’objet de toute mon attention depuis le premier confinement. De nouveaux partenariats avec la RTBF, centrés sur la créativité de nos artistes, sont notamment en discussion. La question des droits d’auteur y est évidemment centrale.

Réplique

M. Charles Gardier (MR). – Madame la Ministre, le sujet est important et il suscite déjà de nombreuses réflexions. Tout d’abord, je me réjouis d’entendre votre volontarisme par rapport au président actuel de la CIM et votre empressement à reprendre le flambeau de manière très proactive dès 2021, à l’occasion de votre présidence. Néanmoins, vous avez énoncé un certain nombre d’axes dont je ne suis pas certain qu’ils répondent nécessairement tous aux souhaits des acteurs culturels, notamment lorsque vous évoquez la nécessité de les laisser dans le giron du ministère fédéral de l’Emploi. Je n’y suis pas favorable. Je n’ai pas non plus la conviction qu’il s’agit du souhait des acteurs culturels concernés. Le statut à vie, qui fait partie des propositions que nous avons faites, est extrêmement apprécié par le monde culturel, car il suffit de faire la preuve qu’on est artiste. Si on est artiste un jour, on est artiste toujours. Cela ne signifie pas qu’on est toujours en train de pratiquer son art, mais, une fois qu’on l’a démontré, cela peut être permanent. Enfin, le statut d’artiste sera important à négocier et nécessitera de nombreuses discussions. Ce qui paraît clair en tout cas, c’est que l’élément intermittent pour les artistes n’est certainement pas le travail. Il faut absolument tordre le cou à cette idée reçue! En tout état de cause, c’est plutôt leur rémunération qui est intermittente. À cet égard, il importe de tout mettre en œuvre pour prendre en compte la temporalité du travail d’un artiste, qui comprend bien évidemment des périodes de prestations, mais aussi des périodes, parfois longues, de préparation et de répétitions.