Question parlementaire Culture sur la réalité virtuelle – 16 07 2020

Par Charles Gardier

Question écrite de Monsieur Charles GARDIER, Député, à Madame Bénédicte LINARD, Ministre de la Culture, relative “au recours à la réalité virtuelle quant à la diffusion de la culture”

Madame la Ministre,

Le secteur culturel est durement frappé par la crise consécutive au Covid-19 et aux nombreuses mesures édictées par le Conseil national de sécurité en vue de lutter contre sa propagation. Face à cette situation, le secteur culturel est à la recherche de solutions pour pallier les mesures de distanciation sociale, qui risquent de paralyser le marché du divertissement pendant encore de longs mois, y compris dans l’hypothèse d’une réouverture avec un nombre limité de spectateurs.

Parmi ces solutions figurent le recours à la réalité virtuelle. Ce procédé technique permettrait de diffuser des événements culturels tout en immergeant le spectateur à distance. Proposer de telles expériences représentera un avantage non négligeable pour le secteur culturel, lequel pourra élargir son audience et la diffusion de ses œuvres grâce à la technologie. A titre d’exemple, voici le cas d’un concert de réalité virtuelle en Finlande : traditionnellement en fête le soir du 30 avril, cet Etat scandinave a organisé un concert de réalité virtuelle auquel a assisté en ligne plus d’un million de personnes venant de Finlande et d’ailleurs. Selon mes informations, 12% de la population finlandaise a assisté à ce concert.

L’intérêt de l’immersion par la technologie VR (acronyme anglais de “réalité virtuelle”) est grandissant, comme en témoigne la récente acquisition de NextVR, une startup américaine, par le géant Apple, permettant à ce dernier de bénéficier de brevets relatifs à la capture d’image à 360 degrés. A cet égard, en vue d’une plus grande diffusion de la culture en ces temps difficiles pour le secteur, il s’agit là d’une occasion à saisir. Au sein de la Déclaration de politique communautaire, le Gouvernement s’engage à “soutenir le développement des disciplines émergents et des pratiques et technologies novatrice dans le champ artistique, notamment celles liées au numérique, tant en termes de projets de création que de projets de diffusion (festivals, expositions, etc…).”

Madame la Ministre, mes questions à ce sujet sont les suivantes :

  • Quel regard portez-vous sur l’utilisation de la réalité virtuelle en tant que vecteur de diffusion de la culture en Fédération Wallonie-Bruxelles ?
  • Une réflexion est-elle d’ores et déjà en cours au sein de votre administration à ce sujet ? Si oui, qu’en ressort-il actuellement ?
  • L’exemple finlandais pourrait-il être importé en Fédération Wallonie-Bruxelles afin pour cette dernière de promouvoir ces artistes dans et hors de nos frontières ?

Je vous remercie pour vos réponses.

Réponse de la Ministre

Mme Bénédicte Linard, vice-présidente du gouvernement et ministre de l’Enfance, de la Santé, de la Culture, des Médias et des Droits des femmes.

Effectivement, ces pratiques se sont rendues particulièrement visibles durant la crise sanitaire et il est fort probable qu’elles vont se répandre. Toutefois, les exemples cités sont des exemples de grandes ampleurs. Je pourrai également vous citer le concert des BTS, stars de la K-Pop, qui a réuni 756 000 téléspectateurs simultanés et payants et qui a généré 20 millions de dollars de bénéfice. Sommes-nous dans ce type d’échelle
au niveau de la Fédération Wallonie-Bruxelles ? Je n’en ai pas l’impression !


Par ailleurs, votre question en soulève d’autres. En effet, la diffusion virtuelle est un outil au service d’une production et d’une consommation artistiques. Elle peut servir de palliatif à une situation exceptionnelle. Elle peut proposer des formats ou des choses innovantes, mais doitelle pour autant devenir une norme ? Nous avons chacune et chacun vu des initiatives à saluer durant le confinement, en ce compris en Fédération
Wallonie-Bruxelles : des musées qui ont proposé leurs collections en ligne, des artistes qui ont effectué leurs prestations sur les réseaux sociaux, des télévisions qui ont diffusé des concerts, l’explosion du prêt de livres numériques. Cet été, nous verrons des festivals virtuels (le Festival de Wallonie par exemple). Vous-même, vous avez proposé des formules virtuelles avec la structure que vous dirigez.


Quelles conclusions en tirez-vous ? Les exemples cités ont ceci de commun qu’ils peuvent mobiliser des moyens techniques, financiers, humains permettant de proposer une offre virtuelle attractive. Mais qu’en sera-t-il des artistes, des compagnies, des auteurs, des musiciens qui n’ont pas ces moyens ? Une réflexion est en cours au sein du groupe de réflexion sur le redéploiement, notamment à propos de l’utilisation du numérique. Si cette voie trouve un large appui sectoriel, il sera important de l’intégrer de manière transversale à toutes nos réflexions futures. Mais la conversion numérique demandera des moyens, des techniques et une réflexion profonde sur le modèle que nous souhaitons pour la culture de demain. La culture en Fédération Wallonie-Bruxelles, ce n’est pas uniquement la diffusion. Et rappelons par ailleurs notre volonté de la rendre accessible pour tout un chacun. Je suis éminemment convaincue que quelqu’un qui ne consomme pas de la culture «faite en Fédération WallonieBruxelles» de chair et d’os ne le fera pas plus en
version numérique.

Par ailleurs, le principal n’est peut-être pas là. Vous le savez sans doute, mais les centres culturels ont mené une analyse partagée sur chacun de leurs territoires. L’idée étant d’adapter leur action en termes de progression des droits culturels sur leur territoire. Un souhait qui est régulièrement formulé par les populations, c’est le renforcement des liens humains. Est-ce qu’une consommation numérique va renforcer ce lien ? Vraisemblablement pas. En conclusion, et sans présager l’issue des travaux de réflexion en cours : bien entendu, la technologie doit supporter la culture, être un levier démultiplicateur, permettre les innovations, tant formelles que créatives. Mais, elle doit avant tout rester un outil au service de la création, au service des
populations et des spectateurs.