Question orale sur le soutien à la culture non subventionnée

Par Charles Gardier

Question orale de GARDIER Charles à LINARD Bénédicte, vice-présidente du gouvernement et ministre de l’Enfance, de la Santé, de la Culture, des Médias et des Droits des femmes, sur le soutien à la culture non subventionnée.

Des discussions animent notre commission au regard de l’évolution des règles en vigueur pour lutter contre la pandémie de Covid-19, lesquelles affectent le secteur culturel. Toutefois, je souhaite revenir spécifiquement sur le soutien à apporter à la culture non subventionnée.

À la suite de sa réunion du 27 janvier dernier, le gouvernement a approuvé l’octroi de trois millions d’euros pour soutenir la culture non subventionnée «au vu de la prolongation de la crise et du rôle qu’elle joue en matière de diversité culturelle et d’emploi artistique». Nombreux sont les rétroactes en la matière, tant j’ai, à de nombreuses reprises, rappelé en ces lieux qu’un artiste égale un artiste, qu’il ait été jusqu’ici subventionné ou non. J’affirme de surcroît qu’il convient d’aider les artistes à la hauteur de leurs efforts précédents, tant il faut plus que de la volonté pour se passer totalement de subventionnement public pour développer un projet culturel.

Madame la Ministre, comment seront répartis les trois millions d’euros destinés à soutenir la culture non subventionnée? Un suivi particulier lui est-il accordé dans le cadre de l’évolution de la pandémie de Covid-19? Une concertation avec les acteurs de la culture non subventionnée a-t-elle eu lieu au sujet de l’octroi de ces trois millions d’euros? Dans l’affirmative, comment s’est-elle déroulée?

Mon autre question nous permet de faire à nouveau le point sur la situation du secteur culturel, qui depuis presque deux ans doit se réinventer: non seulement artistiquement, mais également dans sa gestion administrative, notamment en rapport avec les aides qui doivent lui être apportées dans le cadre de la gestion de la pandémie de Covid-19.

À cet égard, à la suite de sa séance du 27 janvier dernier, le gouvernement a annoncé avoir débloqué 8,2 millions d’euros de nouvelles aides pour le secteur culturel. Celles-ci «ciblent les différentes facettes du monde culturel et visent un soutien sur le long terme, tant pour les opérateurs que pour les artistes et techniciens». Je me permets d’insister sur ces derniers, dont on parle peu et qui font partie des personnes très durement touchées par cette pandémie.

Le gouvernement et la Fédération Wallonie-Bruxelles ont soutenu le secteur culturel et je salue la volonté du gouvernement d’adapter ces nouvelles aides aux futures évolutions des règles sanitaires en vigueur, au rythme de l’application du baromètre corona. Je plaide à cet égard pour que les fédérations sectorielles y soient le plus possible associées.

Concernant la ventilation des lieux culturels, certains ont d’ores et déjà annoncé être dans l’impossibilité de respecter le seuil fixé par le baromètre corona, à sa- voir un taux de CO2 inférieur à 900 parties par millions (ppm). Je plaide pour une certaine tolérance vis-à-vis de ces lieux qui, plan d’action à l’appui, feront, je n’en doute pas, preuve d’un grand volontarisme pour concilier respect des règles et réouverture de la culture.

Madame la Ministre, vous est-il possible de m’apporter quelques précisions concernant les sept axes décrits dans le communiqué de presse du 27 janvier der- nier? À quelle hauteur le budget de la cellule de veille a-t-il été réalimenté? Comment seront fixées les mesures forfaitaires visant à compenser les pertes de billetterie?

Pouvez-vous m’apporter des détails quant à la ventilation des 500 000 euros prévus dans le cadre de la relance du plan «#Restart»?

Enfin, pouvez-vous me préciser comment seront organisés les contrôles de la ventilation des lieux culturels au regard des seuils de taux de CO2 fixés par le baromètre corona?

Réponse de la Ministre

Depuis le début de la crise de la Covid-19, notre Fédération a créé divers méca- nismes visant à soutenir les opérateurs culturels dans les différentes phases de cette crise. Avec l’aide du Service général de l’inspection de la culture et du secteur lui-même, ils doivent être évalués de manière systématique pour être, le cas échéant, améliorés et – ou – renouvelés si les contraintes subsistaient. Nous appliquons cette méthode aux différents plans d’aide mis en œuvre depuis deux

ans. Cette façon de procéder nous permet, Monsieur Segers, d’être au plus près des secteurs en fonction des besoins et des réalités de la crise, tout en rendant cette évaluation transparente. L’évaluation et l’amélioration des dispositifs sont, en effet, systématiquement rendues publiques: les différents mécanismes créés sont tous accessibles en ligne sur le site www.culture.be. Je reviendrai plus tard dans ma réponse sur la transmission des informations.

Messieurs les Députés, je vous épargnerai les rétroactes des réunions successives du Comité de concertation (Codeco) lors des mois de décembre et janvier der- niers. Nous les avons déjà longuement commentés lors des réunions de commission précédentes. Les décisions successives d’interdiction ou de restriction des activités ont des conséquences importantes sur les recettes des opérateurs et sur le travail des artistes et techniciens du secteur culturel, comme vous le soulignez à juste titre, Monsieur Gardier.

Par ailleurs, les perspectives épidémiologiques instables, le nouveau baromètre corona et les mesures restrictives qui y sont prévues laissent à penser que la saison culturelle 2021-2022 sera encore fortement touchée par la gestion de crise. Ce sera le cas, en particulier, pour les concerts, même si la perspective d’une fermeture complète des salles, à l’instar de la saison 2020-2021, ne sera cette fois plus de mise.

Le commissariat du gouvernement fédéral en charge de la crise du coronavirus en Belgique propose de coupler les différentes mesures de restriction avec des mesures de soutien financier. En complément des dispositifs fédéraux et des aides économiques régionales, le gouvernement de notre Fédération continue à prendre sa part en adaptant les dispositifs de soutien au secteur culturel. Des concertations ont été menées avec les secteurs culturels durant les mois de décembre et de janvier derniers pour actualiser les mesures d’aides. Je dis «les» secteurs culturels à dessein, car au sein «du» secteur culturel, les réalités des différents sous-secteurs sont diverses; nous essayons, par conséquent, de nous adapter au cas par cas. Au terme du processus de concertation et d’évaluation, les mesures renouvelées et les nouvelles mesures ont été présentées aux représentants des fédérations professionnelles lors d’une réunion tenue en vidéoconférence le vendredi 14 janvier dernier.

Le rôle de relais endossé par les fédérations est primordial pour faire percoler les aides jusqu’à leurs membres, outre la volonté de transparence et de structuration que nous soutenons notamment par le biais du portail www.culture.be. Le cadastre des aides passées, actuelles ou à venir y figure en bonne place. Ce site démontre bien aux utilisateurs qu’ils peuvent avoir accès à différentes informations. Ce portail unique est de plus en plus considéré par les différents opérateurs du monde culturel comme la porte d’entrée vers les aides les plus diverses. On les y retrouve toutes, jusqu’aux aides à la ventilation. De fait, ce portail doit être conjugué avec les communications officielles du gouvernement, même si j’ai bien conscience que tout le monde ne lit pas les communiqués de presse. Si nous nous contentions de publier des communiqués, nous passerions à côté de l’objectif principal: transmettre l’information.

Par ailleurs, pour répondre aux nouvelles problématiques engendrées par les mesures sanitaires, j’ai proposé d’élargir les mesures de soutien en cours pour les adapter à la nouvelle situation et de réactiver certains dispositifs d’aide mis en œuvre durant la deuxième vague. Comme ce fut le cas pour les premières vagues d’aides créées par notre Fédération, une attention particulière a été accordée à la rémunération des prestataires finaux, sujet que vous abordez tous deux dans vos questions, Messieurs les Députés. Même si les mesures de protection sociale des personnes physiques relèvent de la compétence fédérale, les artistes, techni- ciens et travailleurs culturels sont particulièrement vulnérables, encore au- jourd’hui. Leur situation socio-économique demeure extrêmement fragilisée par les restrictions sanitaires.

À nouveau, l’objectif de ce plan de soutien adapté est de s’inscrire dans une perspective à plus long terme. Outre les mesures existantes – le plan «Diffusion», les aides à la ventilation, les aides au redéploiement –, il adapte les aides d’urgence et réactive des mesures de redéploiement.

Je vais les détailler: d’abord, l’extension des nouvelles modalités de la garantie pour les fermetures des lieux en arts de la scène, telles que je les ai expliquées dans ma réponse à la question que vous m’avez posée, Monsieur Gardier, lors de notre réunion de commission du 25 janvier dernier. Cette garantie est importante, car il s’agit d’un des besoins fondamentaux exprimés par le secteur culturel pour tenir compte à la fois de la situation, des évolutions épidémiologiques et des conséquences des décisions prises par le Codeco pour lutter contre l’épidémie.

Ensuite, le budget prévu pour la cellule de veille au regard des nouvelles fermetures survenues à la fin du mois de décembre sera augmenté de 1,5 million d’euros. Désormais, le périmètre inclut les opérateurs non subventionnés et ceux dépendant de manifestations folkloriques majeures.

Autre mesure de redéploiement: le soutien forfaitaire aux programmations d’activités des opérateurs culturels subventionnés disposant d’une salle accueillant du public. Ce dispositif permettra d’accorder des forfaits tenant compte de la jauge de la salle et de la dépendance de l’opérateur à sa billetterie pour compenser les pertes de recettes liées à la réduction des jauges.

Par ailleurs, la relance du plan «#Restart», que vous avez cité tout à l’heure, Monsieur Gardier, se focalisera en particulier sur les cibles «jeune public» et «musiques actuelles». Des captations seront notamment prévues pour permettre aux professionnels du secteur des musiques actuelles de présenter leurs créations malgré l’interdiction actuelle des événements dynamiques.

Ensuite, dans le cadre de la relance de l’opération «J’peux pas, j’ai cinéma», 15 000 billets de cinéma seront proposés à 1 euro pour stimuler le retour du public dans les salles obscures. Un soutien forfaitaire aux opérateurs non subventionnés sur la base du modèle créé en 2021 sera relancé et évalué avec la Fédération de la culture indépendante (FCI). Un montant de trois millions d’euros est prévu.

Enfin, les contrats à durée déterminée (CDD) au sein de l’Administration générale de la culture (AGC) pour la gestion des aides d’urgence seront prolongés. Il est en effet essentiel de maintenir les équipes en place spécifiquement engagées pour aider à gérer la crise sanitaire.

Les mécanismes proposés visent des objectifs différents. Les annulations de spectacle en arts vivants – et par conséquent, le non-paiement des artistes et prestataires finaux – sont compensées par le biais de mécanismes de garantie. Les conséquences des mesures de restriction, notamment les pertes de recettes, sont calculées en fonction de la taille des opérateurs et de la nature de leurs ac- tivités. Dans ce cadre, ils peuvent bénéficier d’aides au redéploiement, d’aides à la programmation d’activités, de forfaits d’aides aux opérateurs non subven- tionnés et d’un soutien de la cellule de veille. Pour éviter tout doublon pour les opérateurs qui sont à la croisée des systèmes, les aides au redéploiement et à la programmation d’activités ne sont pas cumulatives.

Par définition, les restrictions qui seront imposées aux opérateurs culturels dans les mois à venir ne sont pas connues à ce jour. Par conséquent, nous avons prévu une certaine flexibilité, notamment par le lancement de plusieurs appels à projets ou par un aménagement des forfaits en fonction de la durée des restrictions.

Réplique

Madame la Ministre, je souligne le volontarisme du gouvernement en la matière et les sommes extrêmement importantes qui sont consacrées à la culture. Vos réponses l’indiquent clairement et mon excellent collègue Matteo Segers l’a dit également. J’aimerais aussi pointer la justesse de votre analyse et l’importance de vos récits, Monsieur Segers, au sujet de la

communication. Il ne faut pas laisser des rideaux de fumée parfois nauséabonde se mettre entre des opérateurs de la culture réellement en souffrance et l’information qui leur est nécessaire pour être aidés comme il se doit.

À ce sujet, j’ai une pensée particulière pour les acteurs de la culture non subventionnée, qui n’ont pas l’habitude des aides. Il importe peut-être de veiller tout particulièrement à les informer le mieux possible, Madame la Ministre. Pas plus tard que dimanche, j’ai rencontré des techniciens qui m’ont m’expliqué vivre une période extrêmement difficile. En outre, nous nous dirigeons vers un problème structurel, puisqu’un certain nombre de ces acteurs de l’ombre se sont tournés vers d’autres métiers. En plus de cette difficulté, les techniciens m’indiquaient que même la filière de formation était lourdement affectée, puisque les formations sont en partie liées à des stages que les étudiants ne sont pas en mesure d’effectuer. Cela risque vraiment de poser des problèmes lors de la relance qui, je l’espère, va arriver. Trouver des techniciens et des professionnels pour accompagner la relance sera difficile.

Vous avez également parlé de stimuler le retour du public, notamment dans le secteur du cinéma. Je le dis régulièrement: il faudra stimuler le retour du public dans beaucoup de secteurs de la culture. Une partie du public est défranchie, hésitante. Nous avons stigmatisé la culture d’une façon anormale. Il y aura lieu, là aussi, de communiquer de façon extrêmement volontariste pour redonner confiance aux utilisateurs des lieux culturels et aux personnes curieuses et inté- ressées par cette culture qui nous est tant nécessaire. Sinon, la relance aussi sera une période difficile.