Question orale sur l’approbation d’un projet de loi en matière de droits voisins et ses répercussions en Fédération Wallonie-Bruxelles

Par Charles Gardier

Question orale de GARDIER Charles à LINARD Bénédicte, vice-présidente du gouvernement et ministre de l’Enfance, de la Santé, de la Culture, des Médias et des Droits des femmes, sur l’approbation d’un projet de loi en matière de droits voisins et ses répercussions en Fédération Wallonie-Bruxelles.

La presse s’est récemment fait l’écho d’une avancée majeure dans le dossier relatif à la protection des artistes en matière de droits voisins, dossier que je suis particulièrement. Madame la Ministre, depuis nos échanges du 25 janvier dernier sur ce sujet, le gouvernement fédéral a approuvé un projet de loi destiné à transposer le contenu de la directive européenne 2019/790 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique. Cette directive normalise la perception des droits d’auteur, pour les créateurs, et des droits voisins, pour les interprètes, dans l’environnement numérique. Selon mes informations, elle établit un droit à la rémunération au bénéfice des artistes, lequel est désormais incessible au producteur et obligatoirement perçu dans le cadre d’une gestion collective. En cela, nous rejoignons des pays comme l’Espagne et l’Allemagne. Je ne peux que me réjouir d’une telle avancée.

En outre, ce même projet de loi renforce également les moyens d’action dont disposent les autorités contre les sites pirates en instaurant une procédure judiciaire unilatérale et rapide dans le but de bloquer les sites belges et en rendant inaccessibles en Belgique les sites étrangers.

Enfin, un autre projet de loi a été adopté en commission de l’Économie de la Chambre dans le but de transposer la directive européenne 2019/789 établissant des règles sur l’exercice du droit d’auteur et des droits voisins applicables, cette fois non pas dans l’environnement numérique, mais pour certaines transmissions en ligne d’organismes de radiodiffusion et pour les retransmissions de programmes de télévision et de radio.

Madame la Ministre, quel regard portez-vous sur ces excellentes nouvelles pour nos artistes? Pouvez-vous me décrire l’envers du décor des procédures rapides instaurées dans le but de désactiver les sites pirates de diffusion de contenu artistique? Cela m’intéresserait beaucoup et rassurait sans doute de nombreux acteurs culturels. Enfin, disposez-vous d’un calendrier plus précis quant à l’entrée en vigueur de ces normes de protection des droits des artistes belges?

Réponse de la Ministre

J’ai bien sûr pris connaissance du projet de loi approuvé par le conseil des ministres et qui instaure un droit à la rémunération pour les artistes interprètes dans le cadre des services de streaming. Je salue cette avancée qui était défendue par les écologistes et par le ministre fédéral Pierre-Yves Dermagne. Le projet de loi introduit un droit à rémunération au bénéfice des artistes. Ce droit est incessible – l’artiste ne peut le céder par contrat au producteur – et il sera obligatoirement perçu dans le cadre d’une gestion collective. Cette position, en pointe, rejoint ce que l’Espagne et l’Allemagne avaient décidé.

Je n’ai pas été associée personnellement à ce projet de loi puisque les droits d’auteurs ne relèvent pas des attributions de la ministre de la Culture, mais bien de celles du ministre fédéral de l’Économie, M. Dermagne. Aussi, je vous propose de faire part à vos collègues du niveau fédéral vos questions plus concrètes sur l’activation de mesures judiciaires visant à empêcher la diffusion de contenus «piratés».

J’ai cependant été très attentive aux différentes interpellations du secteur musical francophone. Ainsi, mon cabinet a transmis au pouvoir fédéral les notes de Playright, la société de gestion des droits voisins, et de la Fédération des auteur·rices, compositeur·rices et interprètes réuni·es (FACIR). Des consultations se sont tenues avec les cabinets fédéraux. J’ai déjà eu l’occasion d’aborder cette thématique, mais cette avancée, que je salue, ne doit pas masquer la réalité: la majorité des musiciennes et musiciens de la Fédération Wallonie-Bruxelles n’obtiennent pas de revenus suffisants grâce au streaming.

À l’échelle mondiale, 1 % des artistes les plus populaires totalisent 80 % du nombre total d’écoutes. Dans un marché aussi petit que le nôtre, quand on sait que 65 000 nouveaux titres sont chargés chaque jour sur Spotify, être découvert et écouté plusieurs centaines de milliers de fois par mois est souvent mission impossible pour les artistes en développement. Le streaming est une nouvelle source de revenus pour les artistes et je me réjouis qu’une répartition plus équilibrée soit actée. Toutefois, nous ne pouvons nier que la diffusion en flux continu représente un risque de standardisation des créations.

J’ancre dès lors mon action quotidienne dans le soutien direct aux musiciens et musiciennes au moyen de trois leviers: un renforcement conséquent des aides à la diffusion, une augmentation structurelle et ponctuelle des aides à la création, un accompagnement du secteur dans son projet de contrat de filière. J’ai détaillé ces trois axes dans ma réponse à M. Bellot.

Réplique

Je suis bien conscient que l’essentiel du sujet est traité à l’échelon fédéral. Madame la Ministre, votre analyse sur l’apport du streaming pour les artistes est évidemment juste. Néanmoins, si énormément de morceaux sont proposés tous les jours, il n’existe pas, comme c’est le cas sur certaines plateformes vidéo, de places négociées pour les œuvres produites en Fédération Wallonie-Bruxelles. Nous devrions essayer cette approche sur une plateforme comme Spotify afin de mettre davantage nos artistes en valeur. J’ajoute que certaines de ces plateformes n’ont même plus de bureaux en Belgique, ce qui pose un certain problème. Votre analyse est pertinente, mais il convient d’aller un peu plus loin pour vraiment défendre la visibilité de nos artistes sur ces plateformes. Je ne manquerai pas de revenir vers vous à ce sujet.